Cette semaine se déroulent pour les élèves concernés les évaluations nationales voulues par le Ministre et le Conseil scientifique. Alors que les élèves sont à peine rentrés (avec une interruption depuis mi-mars pour certains), l'utilité de ces évaluations questionne...
A peine rentrés, déjà évalués ! C’est un peu ce qui ressort partout dans les salles des maîtres et des professeurs pour les élèves qui sont sur le point de passer les évaluations nationales de CP, CE1 et de 6ème. Trois semaines après une rentrée pour le moins singulière, avec des aléas permanents (cas contact, tests, absences), le Ministère a décidé envers et contre tout de les maintenir pour « aider les enseignants à juger du niveau de leurs élèves ». C’est pour le Sgen-CFDT une occasion manquée de prouver la véritable confiance aux professionnels que sont ces enseignant·es, eux qui ont su durant la période, faire preuve d’inventivité pour ne pas rompre l’isolement de leurs élèves, des familles. C’est aussi oublier que ces élèves vont avoir besoin de temps pour retrouver le chemin de la classe des apprentissages, de la vie collective. Enfin, dans la mesure où les enseignant·es vont les faire passer, il est nécessaire que ceux-ci puissent les utiliser à bon escient et que cela ne soit pas du temps consacré inutile.
Des élèves qui ont avant tout besoin de retrouver des repères de travail
Parce que la présence au sein de la classe a pour beaucoup été symbolique depuis le 11 mai dernier, de nombreux élèves ont aujourd’hui des difficultés à retrouver des habitudes de travail. C’est en tout cas ce que nombre d’enseignant·es font remonter. Il aurait donc été opportun de leur laisser du temps pour retrouver le rythme des apprentissages. Nombreux sont les collègues qui considèrent que la période du mois de septembre doit permettre de réinstaller un esprit de classe et de vie sociale au sein de l’école, de l’établissement avec la nécessité de retrouver des règles communes.
Maintenir uniformément ces évaluations : un choix contestable
Pourtant, malgré la demande de moratoire du Sgen-CFDT, le Ministre a choisi de maintenir les évaluations nationales « comme un rituel nécessaire ». Outre le fait que ces évaluations sont très mal placées dans le temps après l’épisode de la crise sanitaire qui perdure (sans oublier que de nombreux enfants sont en éviction scolaire car soit cas contact, soit positif aux tests PCR), elles n’ont été que peu ajustées – si l’on exceptent les tests de fluence ainsi que les items supplémentaires sur le vécu du confinement dont l’usage pourrait d’ailleurs poser question… Dans cette période singulière, cette passation imposée par le Ministère n’a donc que très peu de sens. Pour le Sgen-CFDT, si les évaluations peuvent avoir un sens à des fins de pilotage, elles devraient plutôt faire l’objet d’une évaluation par panel, comme la DEPP sait le faire depuis de longues années.
Des évaluations pour les enseignants : ah bon ?
Ces évaluations sont justifiées par notre Ministère comme permettant de donner des outils aux enseignants. C’est de ce côté leur dénier un minimum de professionnalisme. Les enseignant·es n’ont pas attendus ce dispositif pour mettre en place, comme chaque année, au sein de leur classe, des outils de repères permettant de jauger le niveau de leurs élèves. De même, ils sont à même de penser leur propres outils de remédiations pédagogiques. Penser qu’un outil national, pas très bien conçu mais obligatoire et imposé de façon descendante, va être bien reçu par des collègues qui sont concepteurs de leur pédagogie est difficilement entendable. C’est une nouvelle fois un manque de confiance de la Rue de Grenelle vis-à-vis des personnels, une nouvelle occasion manquée. Une nouvelle fois, un certain dogmatisme de la pensée verticale prend le pas sur le pouvoir d’agir que l’on aurait pu laisser aux enseignant·es dans cette rentrée si particulière.
Passer d’évaluations normatives à des évaluations réellement diagnostiques
La mise en oeuvre d’évaluations précoces doit permettre l’analyse et la compréhension des situations observées. Une fois les besoins d’enseignement différenciés identifiés, les enseignant·es peuvent mener l’indispensable travail d’adaptation de l’intervention pédagogique. Prenant acte de la décision ministérielle de maintien de ces évaluations, le Sgen-CFDT demande en conséquence un soutien effectif à l’exploitation pédagogique des résultats. Pour ce faire, des moyens importants devront être mis à disposition pour permettre d’y associer enseignants spécialisés, psychologues de l’Éducation nationale, membres des RASED, équipes locales et de circonscription. Il faut enfin permettre aux équipes pédagogiques de s’emparer de ces évaluations pour un usage concret au bénéfice de tous les élèves.
Un besoin de sérénité et d’autonomie dans une confiance partagée
Pour le Sgen-CFDT, les enseignant·es ont besoin de sérénité en cette rentrée scolaire. Entre la gestion compliquée des protocoles sanitaires, la remise au travail des élèves, l’enseignement avec un masque, difficile de penser que ces évaluations vont leur être utiles. C’est sans compter le nécessaire suivi psychologique des élèves qui pour certains ont subi des traumatismes en cette période de retour à l’école : perte d’un proche, maladie ou tout simplement gestion de la séparation avec la famille. Tout cela entraîne indéniablement des conséquences en classe dont le Ministère semble ne pas vouloir tenir compte, ou tout au moins les ignore. Enfin, pour les enseignant·es, c’est leur donner un travail supplémentaire dont ils n’avaient pas besoin notamment cette année. D’ailleurs comment ce temps passé par les personnels va-t-il être valorisé ? N’aurait-il pas mieux valu se consacrer à la semaine du Vélo largement promue par le Ministre ? Cela aurait sans doute permis aux élèves d’entrer ainsi dans les apprentissages de façon ludique et moins institutionnelle.