L’Éducation Nationale de plus en plus maltraitante.

Face à la réforme du lycée et à la préparation de rentrée, les réactions sont nombreuses. Claire Grafion, une adhérente du lycée Paul-Emile Victor de Champagnole, nous livre son témoignage sur la souffrance des personnels.

Quand une réforme arrive précipitamment obligeant les professeurs qui enseignent en seconde à travailler sur un programme qui ne donnera lieu à aucune continuité pédagogique l ‘an suivant,

quand les professeurs de français, qui d’ordinaire préparent les élèves au baccalauréat sur deux ans, ont pendant 8 mois travaillé sans savoir dans quelle direction aller,

quand le Conseil Supérieur des programmes vote contre les programmes et qu’ils passent quand même,

quand l’Education nationale impose deux heures supplémentaires obligatoires contre l’avis de tous,

quand les dédoublements disparaissent, qu’on annonce 36 élèves par classe dans tous les cours l’an prochain,

quand les professeurs se verront donc attribuer plus de classes et subiront une surcharge de travail considérable,

quand le nouveau programme demande de faire deux fois plus de choses sans augmenter l’horaire hebdomadaire,

quand la réforme génère une concurrence entre les disciplines et crée des ambiances conflictuelles et délétères dans les établissements,

quand les programmes rétrogrades et passéistes sont élaborés pour les élèves de Henri IV ou Louis Le Grand et absolument pas pour les élèves « réels » des lycées de France,

quand disparaît le sens même du métier d’enseignant : établir avec les élèves des liens qui permettent de prendre le temps de faire réfléchir, de progresser pour imposer à tous un bachotage qui générera tension et stress chez les enseignants comme chez les élèves,

quand les cours se transformeront en gavage et que le temps ni les moyens ne seront donnés pour aider les plus fragiles à avancer, ou pour donner un sens intéressant aux cours,

quand les professeurs et les élèves ne sont plus que des chiffres,

quand l’institution ne cesse de mentir, pratiquant la « novlangue » d’Orwell :

– «  une réforme qui donne plus de choix » = sur le terrain, des élèves qui n’ont pus dans leur établissement les matières qu’ils avaient avant et ne peuvent choisir la voie qui leur convient

– « un bac plus musclé » = sur le terrain,moins d’heures,moins de matières enseignées,moins de temps pour transmettre les notions et les compétences,

quand les futurs lycéens seront en permanence soumis aux stress des examens,

quand la réforme met fin à l ‘égalité des chances et instaure des baccalauréats différents selon les lycées, amplifiant les écarts entre la France d’en haut (les lycées de grandes villes) et la « sous-France »,

quand 67000 familles explosent de joie aux résultats de parcoursusp le mercredi pour pleurer le vendredi en découvrant que les informations reçues ne sont pas les bonnes et que le seul discours de l’Education Nationale à leur égard est d’expliquer que « la procédure a repris son cours normal », sans un mot d’excuse, sans une parole humaine face à la souffrance générée,

alors l’Éducation Nationale devient maltraitante,

alors l’Éducation Nationale amplifie fortement les risques psychosociaux pour les personnels qui cherchent désormais un sens à leur métier et se demandent comment survivre face à toutes les contraintes contradictoires et impossibles qui leur sont imposées. L’année 2018-2019 fut une année de souffrance pour bon nombre de collègues, et l’année qui s’annonce semble bien pire !

Monsieur le Ministre souvenez -vous de Didier Lombard !