Pourquoi l’académie de Besançon refuse de scolariser des enfants mineurs isolés ?

Imaginez-vous 51 enfants non-scolarisés ? A qui l’on prive du droit à l’apprentissage, à qui l’on a interdit formellement l’accès à l’école de la République. 51 enfants, pas un de moins, sont actuellement laissés sur le bord de la route, en flagrante contradiction avec la promesse républicaine.

Cette situation déplorable, voire scandaleuse, c’est bel et bien dans le Doubs que celle-ci a lieu. Il y a pour ces 51 enfants, 51 demandes de scolarisation sans réponses.

Pour être scolarisé.e.s, ces jeunes doivent passer des tests préalables, accordés par l’Académie de Besançon aux mineur·es isolé·es en procédure de recours en reconnaissance de minorité par le Juge des Enfants.

Un principe républicain et universel

Car le Conseil Départemental (SEAMNA) conteste systématiquement la minorité de ces jeunes dans ses rapports d’évaluation. C’est un bon moyen pour ne pas les prendre en charge et ainsi gagner du temps. Cependant, la Juge des Enfants vient de reconnaître mineur.es plusieurs jeunes en demande de scolarisation.

Jusqu’en juin 2023, l’inspection académique, DSDEN 25, scolarisait ces jeunes pendant la durée de ces procédures comme il est indiqué dans le droit français (l’article L.111-1 du Code de l’éducation nationale ainsi que la décision du Conseil d’état du 24 janvier 2022).

Du côté du rectorat, il s’agit également de gagner du temps face aux besoins de créer des places et des postes d’UPE2A (unité pédagogique pour élève allophone arrivant), et peut-être aussi de répondre à des consignes nationales du Ministère de l’Éducation Nationale. Il y a en effet aujourd’hui en France des milliers de MNA « à la rue » (non pris en charge par les services départementaux) et nous constatons que de nombreux rectorats pratiquent peu ou prou ce déni de droit à la scolarisation et à la formation professionnelle.

Une triste réalité

Avec les Jeux Olympiques, il y a eu une augmentation du nombre de demandes. Beaucoup de jeunes ont été transférés de Paris vers la province.

Pendant l’été 2023, la politique du Département 25 a été de remettre à la rue de nombreux jeunes étrangers. Et à la rentrée 2023, les choses se sont dégradées, l’administration de l’EN a fait le choix de ne plus répondre aux demandes (pas de convocation au CASNAV ou au CIO, silence total).

La France a été rappelée à l’ordre par le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies le 2 juin 2023 dans ses Observations finales au sujet de la scolarisation des mineur·e.s non accompagné·e.s. Le Comité :

  • recommande d’améliorer l’accessibilité et la qualité de l’éducation pour les enfants migrants non accompagnés qui rencontrent de nombreuses difficultés lorsqu’ils veulent s’inscrire dans des écoles ordinaires et accéder aux cantines scolaires,
  • demande instamment d’allouer immédiatement des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à l’éducation et la formation professionnelle pour les enfants migrants non accompagnés.

La jurisprudence est formelle, c’est illégal. La cour administrative d’appel a déjà annulé ce type de refus de scolarisation à Paris dans l’arrêt 18PA02209 du 14 mai 2019. Le conseil d’État a confirmé cette décision le 24 janvier 2022.

C’est la raison pour laquelle la CFDT Éducation, formation et recherche publiques s’associe à Solmiré et la Cimade dans un mail adressé aux autorités académiques de l’Éducation Nationale, aux élu·es bisontins et communautaires ainsi qu’à la Boutique Jeanne Antide, en charge de l’abri de nuit de Tarragnoz.

Combien de temps le rectorat de Besançon continuera-t-il à ne pas respecter la loi ?